100.
Les Carroll passèrent la journée du 22 décembre, confinés, dans leur hôtel du West Side. À qui faire confiance ? La question n’avait toujours pas trouvé de réponse.
Tard ce soir-là, Carroll et Caitlin se reposaient dans la plus petite des deux chambres. Allongés, dans les bras l’un de l’autre, ils laissaient s’écouler ces longues heures sinistres. Ils savaient que rien n’était encore acquis – et qu’ils n’auraient peut-être plus jamais la chance d’être à nouveau ensemble.
— Hudson a dit un truc sur le toit, là-bas à Brooklyn, chuchota Carroll en caressant les cheveux de Caitlin. Il a dit qu’il aimait son pays. Tu sais, j’éprouve la même chose, en dépit de tout ça. Je me sens bien plus proche de Hudson que des autres.
Caitlin hocha la tête.
Ses yeux la piquaient quand elle lui répondit à voix basse :
— Je suis tellement en colère contre tous ceux qui nous ont trompés, qui nous mentent et nous abusent depuis tant d’années.
Ils firent l’amour, et ce fut plus tendre que cela ne l’avait jamais été. Ils s’endormirent lovés l’un contre l’autre, tels des enfants autorisés à dormir dans le même lit pendant un orage.
Caitlin se réveilla à sept heures, ne parvint pas à se rendormir. Elle s’assit dans le lit.
Elle alluma un minuscule poste de radio et entendit la dernière chose au monde qu’elle avait envie d’entendre. Une nouvelle qui lui brisa le cœur.
« … conseiller de plusieurs présidents américains, Anton Birnbaum est mort hier en fin d’après-midi, renversé par une voiture sur Riverside Drive, non loin de chez lui. Le chauffard a pris la fuite et n’a pu être identifié… M. Birnbaum était âgé de quatre-vingt-trois ans. »
Caitlin secoua Carroll. Elle entreprit alors de lui raconter, d’une voix entrecoupée de sanglots, ce qui était arrivé :
— Oh, Arch, ils l’ont tué. Ils ont tué Anton cette nuit. Qu’est-ce qui nous attend, maintenant ? Qu’est-ce qui va se passer ?
Carroll se leva en frissonnant. Il s’habilla et se précipita sur Broadway pour acheter les journaux du matin.
Tous les articles sur Anton Birnbaum contenaient des éloges respectueux. Et des mensonges. Beaucoup de mensonges.
Debout devant le kiosque à journaux, Carroll finissait sa revue de presse. Ses mains tremblaient. Tout portait à croire que ce qu’il savait ne serait jamais divulgué. Il n’était nulle part fait mention d’un traître au FBI. Ni de Monserrat, ni de l’endroit où se trouvait le colonel Hudson.
Alors qu’il retournait à l’hôtel d’un pas traînant, il constata qu’il était filé.
Le dénouement approchait, pour tous ceux qui en savaient trop.